Le village et l'église Sainte-Ragedonde
Nous reprenons les voitures et prenons la direction de
Talmont-sur-Gironde.
C’est une ancienne bastide fondée par le roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine Edouard 1er en 1284 d’après le plan des places fortes médiévales. C’est une « Ville close ». Le village à vocation touristique et artisanale, est considéré comme l'une des capitales de la rose trémière (dommage c'est trop tôt dans la saison pour les voir en fleurs).
Elle doit également une part de sa notoriété à son église romane, Sainte Radegonde, campée au bord de la falaise, autrefois étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
L'église Sainte-Radegonde est édifiée à partir du XIème siècle à l'initiative des bénédictins de l'abbaye de Saint-Jean-d’Angély, lesquels auraient fait du sanctuaire une étape sur l'un des
chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. La transformation du village en bastide implique la fortification d'une partie de l'église. Un chemin de ronde est édifié au-dessus de l’abside.
Une violente tempête cause l'effondrement d'une partie de la falaise servant d'assise à l'édifice. Les deux premières travées de la nef et une partie de la crypte sont emportés par les flots.
Des travaux de consolidation sont effectués par la suite, tandis qu'une nouvelle façade gothique est édifiée.
Les sculptures du portail sont caractéristiques de la pensée médiévale selon laquelle la pierre doit être « la bible des illettrés » : elles sont ainsi des sermons imagés.
Sur la voussure supérieure, des hommes tirent avec une corde un animal prisonnier, tandis que la voussure centrale montre des hommes portés les uns par les autres, « échelle humaine », possible métaphore de la communauté chrétienne unie et solidaire. Enfin, la voussure inférieure montre des anges honorant l’agneau pascal.
Les voussures ornant les deux arcades latérales représentent l'enfer et le paradis. Celle de gauche est ornée de dragons ailés amphicéphales, gueule béante
et crocs acérés ; à l'opposé, celle de droite montre des pampres de vigne symbolisant la vie nouvelle.
L'église est classée monument historique le 30 août 1890.
broderie et perles
Après la visite de l’église et du cimetière nous poursuivons notre randonnée dans les marais autour de Talmont avant de revenir vers le Caillaud.
Le cimetière marin attenant à l'église comporte de nombreux cénotaphes. Il est classé monument historique depuis le 21 février 1934.
Demain l’histoire du cimetière, une belle légende et la fin de la randonnée.
Talmont et les deux guerres
En 1917, les américains choisissent le site de Talmont pour aménager un port militaire destiné au transbordement du matériel nécessaire à leurs troupes. Ils dynamitent le « rocher du sphinx », un îlot situé à l'ouest de l'église que l’érosion avait façonné depuis plusieurs siècles. Une voie ferrée est mise en chantier, tandis que 6000 hommes du génie maritime américain et 1500 prisonniers de guerre allemands sont logés dans des baraquements en dehors du village.
A la fin de la guerre l'idée d'aménager un port industriel refait surface. Plusieurs délégations ministérielles se rendent dans le village entre 1923 et 1924 afin d'étudier la possibilité de créer l'avant-port de Bordeaux à Talmont.
Une « société des entrepôts et ports de Talmont », dont le siège est à Paris, est créé dans le même temps. Seul le spectre de la guerre avec l’Allemagne freine le projet, lequel est gelé à la fin des 1930.
Le 10 juin 1940, le cargo à vapeur « l'Amiénois », tout juste rendu au service civil après avoir été brièvement réquisitionné pour participer à la campagne de Norvège quitte le port du Havre menacé par l'envahisseur allemand. On charge en toute hâte des effets de toute sortes, allant des spiritueux aux uniformes militaires, en passant par une batterie de canons antiaériens de 90 mm toute neuve. À cela s'ajoutent de nombreux réfugiés. Des avaries causées par un accrochage avec un navire militaire nécessitent leur débarquement à Brest, tandis que l' « Amiénois » poursuit sa route vers le sud.
Le 16 juin, le navire fait halte au port du Verdon, avant de débuter sa remontée de la Gironde trois jours plus tard. Arrivé à Pauillac en fin de journée, l'équipage se voit refuser le droit de débarquer les canons, l'appontement n'étant pas jugé assez solide pour supporter le poids de ces pièces d'artillerie. De ce fait, le navire reprend son chemin en direction de Bordeaux, où il arrive le lendemain. L'imminence de la défaite induit une désorganisation totale et une succession d'ordres contradictoires que seuls viennent interrompre la signature de l’armistice. L'équipage refusant de quitter la France, il est interné, de même que son commandant, le capitaine Avril, et remplacé par un équipage militaire. Quittant le port de Bordeaux dans la soirée, le navire est sabordé à hauteur de Talmont le 25 au petit matin. Durant tout l'été, des fûts de Rhum et de Porto vinrent s'échouer sur les côtes charentaises et médoquines.
Les autorités d'occupation tentent vainement de récupérer les canons.
Après-guerre, les hunes de mâts émergeant de l'eau servent d'abri à des colonies de cormorans, avant que l'épave ne soit malmenée par plusieurs tempêtes dans les 80. De nos jours, seules quelques parties de l'épave sont encore visibles. Bien que située hors du chenal de grande navigation, son caractère potentiellement dangereux pour les plaisanciers et les pêcheurs a nécessité la mise en place d'une bouée cardinale Nord afin qu'elle n'entrave pas la circulation des navires remontant l'estuaire.